Neurosciences - Provoquer des hallucinations auditives pour aider les schizophrènes


BERNE - Des scientifiques suisses ont développé une méthode permettant de provoquer des hallucinations auditives chez des personnes en bonne santé, indique le Fonds national suisse (FNS) dans un communiqué lundi. Les chercheurs espèrent ainsi identifier de potentielles pistes pour de nouveaux traitements à l'intention de patients souffrant de maladies psychiatriques.

Actuellement, la science ne sait "absolument pas ce qui se passe dans le cerveau" lors d'hallucinations auditives, explique le neuroscientifique Pavo Orepic de l'Université de Genève, soutenu financièrement par le FNS. Avec une équipe de chercheurs issus de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et de l'Université de Genève, il a publié une étude sur ce sujet en octobre dans la revue médicale "Psychological Medicine".

Contrairement à ce qui est habituellement supposé, 5 à 10% des personnes saines entendent des voix, par exemple de proches décédés ou d'un Être suprême, souligne l'équipe de scientifiques. Les personnes schizophrènes sont cependant largement plus touchées, avec plus de 70%, à la différence sensible que les voix qu'elles entendent sont généralement très négatives.

Les psychotropes pris par cette dernière catégorie de patients rendent toute étude sur les voix qu'ils entendent difficile car les médicaments entraînent des effets secondaires sévères sur de nombreux systèmes de l'organisme, compliquant l'interprétation des résultats. D'où l'intérêt de pouvoir étudier ce phénomène sur des sujets sains.


Surprendre le cerveau

La méthode développée par M. Orepic pour provoquer des hallucinations auditives se base sur deux principes. Premièrement, provoquer des impressions sensorielles qui ne correspondent pas aux attentes du cerveau. Pour ce faire, le chercheur de l'Université de Genève a imaginé le dispositif suivant: les sujets appuient sur un levier situé devant eux pendant qu'un robot - qu'ils ne voient pas - leur donne un petit coup dans le dos.

Selon le deuxième principe, les hallucinations surviennent quand le cerveau, marqué par des impressions antérieures, interprète de nouvelles sensations de manière erronée. Pour ce faire, le procédé expliqué ci-dessus est modifié de sorte à légèrement retarder le petit coup donné dans le dos. "Le cerveau doit alors trouver une explication, comme la présence d’une autre personne", explique Pavo Orepic. Les chercheurs ont démontré que cette perception erronée d’une présence peut mener à des hallucinations.

Selon le neuroscientifique, l'étude confirme que les mécanismes en jeu derrière les hallucinations sont présents dans tous les cerveaux. "Mais pour une quelconque raison, certains y sont plus sensibles que d’autres", ajoute-t-il. Pavo Orepic estime de plus que la limite entre hallucinations inoffensives et pathologiques est également perméable.

A travers ses travaux sur les causes des hallucinations, le chercheur entend contribuer à déstigmatiser les personnes qui entendent des voix.

Le 20 novembre 2023. Sources : Keystone-ATS. Crédits photos: Adobe Stock, Pixabay ou Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

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